dimanche

J'ai rencontré Gilles Boily

Je suis un ex-ex-fumeur.

J'ai arrêté pour la première fois de fumer en 2002. J'avais mis fin à une habitude qui m'obligeait à me geler les couilles par les froides soirées d'hiver alors que je ne pouvais fumer chez moi. C'est en visitant la belgique l'an passé que je me suis remis à fumer pour la première fois. Les belges, surtout ceux de Mons, sont pratiquement tous fumeurs. Habitant dans une maison peuplée de 4 étudiants en théâtre, tous fumeurs, je me suis mis à fumer de façon secondaire au départ, pour finalement succomber au plaisir malsain de la cigarette quelques jours plus tard. Aux douanes, à la question "Qu'avez vous à déclarer?", j'ai répondu: "j'arrête de fumer".

Deuxième rechute, le mois dernier. Je reviens tout juste d'une tournée de spectacles de théâtre d'improvisation en France. Encore une fois, j'ai succombé au stress, au manque de sommeil, à la bonne bouffe, au bon vin et à la maléfique cigarette. Cette fois par contre j'ai rapporté de voyage ce vice et je compte bien l'éliminer pour de bon de ma vie. Chaque fois que j'aurai envie de fumer je me promet de me souvenir de ce simple nom: Gilles Boily.

Alors que je sors tranquillement sur le trottoir pour fumer une démoniaque petite cigarette, je vois cet homme d'une soixantaine d'années avancée qui déambule tranquillement, un journal sous le bras. En le voyant j'ai eu une prémonition que j'aurais dû suivre, remonter tout de suite dans mon appartement avant qu'il ne me parle. Alors qu'il est à distance de crachat, je l'entends me dire: "Ah la bonne cigarette on voit que tu la savoure!". Et là je suis dans la merde. Pourquoi ça tombe toujours sur moi? Pourquoi faut-il que la vieillesse de notre monde tienne tant à partager des banalités avec des inconnus? Comme je viens tout juste d'allumer cette oeuvre de satan, je prends mon mal en patience et je l'écoute parler de sa retraite, de son travail comme opérateur de train pour Via-Rail, de sa solitude. En plus, il entrecoupe ses tirades de "J'espère que je te dérange pas trop avec mes histoires" et moi de répondre (je m'en veux tellement) "Mais non ça me dérange pas pantoute".

Alors que nous sommes tous les deux sur le trottoir de l'excellente 3e Avenue en train de discuter de platitudes, Gilles m'annonce tout à coup qu'il est masseur et qu'il veut me faire une expertise gratuite. Avant que j'aie pu amorcer ma trop lente fuite vers l'escalier, il dépose son journal et m'empoigne le bras qu'il commence à masser. Le plus déroutant dans cette histoire c'est que je me suis absolument laissé faire car sous ses airs de prédateur sexuel, Gilles Boily est effectivement massothérapeute et sa technique est excellente. Donc, tout en me massant le bras, Gilles commence à me raconter que son plaisir c'est de masser les pieds des personnes agées dans les centres et qu'il pratique cette activité de façon bénévole depuis 8 ans. Soudain je me pose la question qui tue: "Combien de pieds de vieux a-t-il bien pu toucher en 8 ans avant de me pétrir le bras?". À mon grand soulagement, Gilles avait fini son massage avant que je puisse faire le calcul. L'histoire ne s'arrête pourtant pas là.

Alors que je reprends mon élan vers l'escalier salvateur, Gilles, qui est face à moi, place une main sur ma nuque et une autre sur mon épaule. Le questionnement et le dégoût pouvait se lire de façon très claire sur mon visage ainsi que sur celui des quatres top-modèles qui circulaient sur la rue en direction du bar au coin de ma rue. Gilles commence alors à masser mon cou et mes épaules pendant un instant qui m'a paru une éternité. Il faut dire que je n'étais pas encore assez visible, pied nu, en short, avec un maillot de soccer vert, en train de me faire masser la nuque par un sexagénaire. Alors que je regarde Gilles faire sa besogne, je vois son visage changer de couleur et devenir rouge, puis bleu, puis encore rouge, puis encore bleu, puis rouge de nouveau et ainsi de suite. Malheureusement pour moi, ce n'était pas une crise cardiaque. Les gyrophares de la voiture de police qui venait de s'arrêter devant nous ont alors apporté toute la visibilité dont j'avais tant besoin en cet instant de pure absurdité.

Je ne veux surtout pas critiquer le travail de messieurs les policiers mais pourquoi faut-il que ce soit si long? Les mêmes questions reviennent périodiquement dans le même ordre. Je n'ai pas mes papiers sur moi mais ils ne veulent pas me laisser monter les chercher. Ils vont vérifier pendant 15 minutes mon identité pendant Gilles me regarde avec des yeux de chien battu au travers de la vitre arrière de l'auto-patrouille. Pourquoi a-t-il fallu que je laisse mes cigarettes à l'intérieur?

Ma soirée se termine ainsi mais sûrement pas celle de Gilles Boily qui repart vers le poste avec messieurs les agents de la paix. Ils l'ont embarqué pour sollicitation malgré mon démenti le plus complet.

Ce qu'il faut retenir de cette histoire: ne sortez jamais fumer une cigarette seul tard le soir. Ou, ne pratiquez pas la massothérapie de nuit sur des inconnus de la 3e avenue qui sont en train de fumer tranquille sans rien demander à personne. Choisissez la morale qui vous convient le mieux.

1 commentaire:

Manon a dit…

Tabarnache que t'as une belle plume! Ça doit être de famille ahahahahah J'avoue que j'aimerais bien rencontré un Gilles Boily pour pouvoir mettre fin à cette maudite habitude! À bien y penser, laisse faire finalement...Bieurk! J'peux pas croire que tu t'es fait tripotter par des gros doigts boudinneux! Encore une autre histoire!!